L’édition 2024 du BIFFF fut, comme chaque année, l’occasion de découvertes de nombreux métrages, mais également de rencontres avec plusieurs invités de renoms. Lors de cette 42e itération de ce festival de cinéma fantastique, le guest le plus notable à faire acte de présence est probablement Fabio Frizzi, célèbre compositeur italien qui aura signé plusieurs bandes originales de classiques de l’horreur dans son pays natal.
Avec des artistes de légende comme Ennio Morricone ou Nino Rota, l’Italie peut se vanter d’avoir eu droit à son lot de musiciens extrêmement talentueux ayant officié dans l’industrie cinématographique. Fabio Frizzi de son côté, s’il reste certes moins connu que ses contemporains précédemment cités, va s’imposer comme l’un des compositeurs le plus important du cinéma italien des années 70.
Fils d’un directeur d’une boite de distribution de films italiens, Fabio Frizzi naît en 1951 et grandit en se passionnant pour le cinéma ainsi que pour la musique. Il va commencer à pratiquer dès les débuts de son adolescence divers instruments dont le piano, mais il gardera un penchant certain pour la guitare acoustique. Il s’éduque auprès de sa famille partageant ses passions, joue dans des petits groupes locaux et finit début de la vingtaine par se voir offrir son premier projet de composition de bande originale. Il s’agira d’un long-métrage érotique s’intitulant Amore Libro, sorti en 1974. Un début de carrière peu marquant, mais qui permettra au jeune musicien de travailler officiellement dans le domaine du cinéma. Ce premier projet va permettre à Frizzi de travailler par la suite sur des films appartenant au genre de la comédie, avec Fantozzi de Luciano Salce, mais surtout le Western Spaghetti. Il va en effet composer l’année suivante la musique de Si ce n’est toi, c’est donc ton frère (1975) de Ferdinando Baldi, avant d’entamer sa première collaboration peu de temps après sur Les 4 de l’apocalypse (1975) avec le cinéaste qui va définir le reste de sa carrière : Lucio Fulci.
La rencontre entre Fabio Frizzi et Lucio Fulci va se présenter comme un coup de foudre artistique total. A l’origine, Frizzi fonctionnait dans une dynamique de trio musical avec Carlo Bixio et Vince Tempera, mais c’est cette rencontre avec le cinéaste italien qui va petit à petit le mener à travailler en son propre nom. C’est finalement en étant engagé sur les films de Lucio Fulci que le jeune compositeur va, selon ses dires, le mieux développer tout son moteur créatif ainsi que sa compréhension de la conception d’une bande originale de long-métrage. Leur relation fut par moment assez tendue, Fulci était réputé pour ne pas faire partie des réalisateurs avec qui il était simple de collaborer, mais aura permis aux 2 artistes d’atteindre une forme de vision commune sur leurs différents projets. Fabio Frizzi aura certes débuté par le western spaghetti, mais c’est finalement bien dans le cinéma horrifique, sans pour autant qu’il soit spécialement amateur du genre à l’origine, qu’il va construire et établir sa patte artistique et ce pourquoi on le retient principalement aujourd’hui.
La liste des bandes originales cultes nées de cette collaboration est longue. S’il fallait cependant en retenir quelques-unes, les regards se tourneraient avant tout vers Frayeurs (1980), L’Au-Dela (1981) et bien évidemment Zombi 2 :L’enfer des Zombies (1979) qui est par ailleurs la suite non officielle du Dawn of the Dead (1978) de George A.Romero. A l’écoute de ces différentes soundtracks, l’ambiance si particulière du cinéma de Fulci et, par extension, du cinéma horrifique italien des seventies, semble parfaitement retranscrite. Il y a un aspect profondément homogène dans les résultats dans cette association artistique. L’assemblage de sons présentés semble vouloir toucher à de multiples émotions tout en cherchant à rendre la musique la plus audible possible, la rendant même parfaitement écoutable indépendamment du média film. Nous y retrouvons une patte unique rappelant le mythique groupe Goblin, avec qui Fabio Frizzi aura déjà eu l’occasion de collaborer à plusieurs reprises. Les mélodies du compositeur italien vont laisser un impact non négligeable sur tout ce pan de cinéma, si bien que certains réalisateurs de renom, tel que Quentin Tarantino, iront jusqu’à réutiliser certain de ses morceaux. Ce fut notamment le cas dans Kill Bill Vol.1 qui réutilisa le thème principal de L’Emmurée Vivante (1977), preuve que cet assemblage musical perdure. C’est en tout cas ce travail de longue durée avec Lucio Fulci qui permit à Frizzi d’atteindre une notoriété internationale.
Passé le cap des années 90, le compositeur va se lancer dans la mise en place de nombreux concerts, que cela soit de ses propres morceaux ou de reprises de classiques de la musique italienne, reprenant ainsi du Riz Ortolani ou du Nino Rota. Il poursuit cette activité encore de nos jours, reprenant généralement depuis début 2010 uniquement ses compositions pour les films de Lucio Fulci.
Aujourd’hui, Fabio Frizzi est toujours actif, ayant signé de nouvelles bandes originales comme Puppet Master: The Littlest Reich (2018), mais il est surtout toujours à la recherche de nouveaux projets. Il soutient entre autre des films de jeunes réalisateurs/trices voulant se lancer dans le métier. Le hasard du calendrier faisait d’ailleurs que le court-métrage A la limite (2024) de Clotilde Colson, projeté dans la traditionnelle « belgian short film competition » durant cette édition du BIFFF, avait la chance d’avoir Frizzi en tant que compositeur du film. Le compositeur aura d’ailleurs été fait chevalier des ordres du corbeau avant sa masterclass au cours de laquelle il aura offert avec loquacité un panorama très large de l’ensemble de sa carrière.
Vladimir Delmotte
Dit "Le Comte", Vladimir est passionné de cinéma depuis qu'il est tombé sur une rediffusion CANAL+ en crypté de "Gorge Profonde". Il n'a de cesse depuis lors de hurler sur des publics de cinéclub, voire sur de simples passants dans la rue pour expliquer à quel point les images en mouvement, c'est trop génial. Plus de publications