Au cinéma Aventure, à Bruxelles, a eu lieu, du 6 au 8 septembre, l’édition bruxelloise du Festival Cinéma Interdit. Un festival organisé par le youtubeur Azz l’Épouvantail, spécialisé dans les critiques de films horrifiques, allant souvent dénicher des références hyper pointues, pour notre plus grand bonheur. C’est la première fois que ce festival prend place dans notre capitale belge, car les deux précédentes éditions se sont quant à elles déroulées à Paris, au Club de l’Étoile, respectivement en mai 2023 et fin mai-début juin 2024. Cette programmation bruxelloise était composée en très grande partie de films japonais, sélectionnés avec soin par l’organisateur, tous plus fêlés les uns que les autres. En voici un compte-rendu non exhaustif.

Commençons tout d’abord par parler du film d’ouverture : une production américano-serbe. Eight Eyes, de Austin Jennings, met en scène Cass et Gav, un couple dysfonctionnel, qui décide de faire un voyage en ex-Yougoslavie afin de tenter de raviver la flamme de leur mariage. Un mystérieux personnage, surnommé Saint Pierre, va leur servir de guide. Les deux tourtereaux commencent à se méfier de cet homme, qui semble faire une fixation sur Cass. La suite s’orientera vers une véritable descente aux enfers pour les mariés, aux allures de fantastique et de psychédélisme totalement délurés. Nous avons ici affaire à une histoire qui démarre comme Hostel de Eli Roth, mais part dans quelque chose de bien différent par la suite, faisant appel à des éléments beaucoup plus inattendus, et possédant une aura bien plus subtile que le film précité. Le suspense nous retient en otage jusqu’aux séquences finales, au ton hallucinant. Le gore est présent également, guère utilisé à outrance, contrairement à beaucoup de films de ce type, mais avec parcimonie et de manière astucieuse.

Passons au premier film japonais de la sélection : Holy Mother! de Yoshihiro Nishimura, réalisateur responsable des excès en tous genres du fameux Tokyo Gore Police. Dans ce film, une héroïne transgenre aux pouvoirs surnaturels vient défendre des yakuzas métisses contre l’oppression d’une milice japonaise raciste. Les excès de la photographie ultra colorée ne sont nullement retenus par le manque de budget. Toute l’essence du cinéaste Nishimura s’y retrouve, comme dans ses autres films, et l’influence des productions Sushi Typhoon se fait bien sentir. Mention spéciale à la séquence où l’héroïne tranche les quatre membres d’une mauvaise et se sert des jets de sang du corps ainsi mutilé pour se propulser dans les airs, surfant donc sur un véritable « hoverboard » humain ! La salle entière fut hilare !

Bakemono, réalisé au Japon par un certain Doug Roos, se déroule quasi intégralement dans un appartement tokyoïte sombre, et l’ambiance de ce métrage, qui paraît ultra long, y est véritablement oppressante, voire terrifiante par moments. Nous sommes plongés dans une sorte de cauchemar sans fin, dans lequel l’appartement lui-même semble pousser ses divers résidents de passage à s’entretuer. Les mêmes séquences avec les mêmes personnages se répètent indéfiniment, sous de multiples variations, brouillant les frontières de la narration. Le résultat final ressemble à une sorte de film gore totalement expérimental. Ai-je aimé ou pas aimé ? Je ne peux le dire, mais il s’agit là d’une véritable expérience, cela est sûr !

En ce qui concerne Mukuro Trilogy, il s’agit, comme le titre l’indique, d’une trilogie de courts-métrages, tous réalisés par Katsumi Sasaki et tous plus glaçants les uns que les autres. Ce cinéaste ainsi que l’actrice principale de ces trois courts, Aya Takemi, faisaient d’ailleurs partie des invités du festival. Le segment Apartment Inferno nous conte une histoire d’amour dans le milieu bien trash des petits criminels chargés de faire disparaître des cadavres. Sweet Home Inferno raconte l’emprise d’un gourou sur une famille dysfonctionnelle, dans laquelle le père, la mère et l’une des deux filles s’acharnent contre la soeur cadette de cette dernière. Just Like a Mother nous parle des relations d’entraide mère-fille lorsque celles-ci sont toutes deux victimes de viols et de tortures, commises par trois jeunes zonards. Au fur et à mesure de ces trois segments, l’intensité émotionnelle se fait de plus en plus forte, la violence de plus en plus graphique également. Dans les deux derniers, on s’identifie particulièrement aux victimes aux moments où elles parviennent à reprendre le dessus sur tous leurs bourreaux. Un véritable festival de vengeance gore et de sensations fortes en tous genres sont au programme ! Bravo à l’actrice principale Aya Takemi, qui porte chacun des trois films, et à la maestria du réalisateur, dont la mise en scène exacerbe la trashitude colorée de l’ensemble.

Poursuivons avec une sorte de thriller érotique, le très sulfureux Vermillon de Daisuke Yamanouchi. Ayano s’ennuie ferme avec le mari qu’elle a été contrainte d’épouser et ne peut oublier Akemi, son crush durant ses années d’école. Cette dernière réapparait dans sa vie lorsque Ayano apprend qu’Akemi va devenir… l’épouse de son père ! Ce film au scénario quelque peu tortueux multiplie les interruptions dans sa narration, insérant fréquemment des séquences très chaudes à l’esthétique à la fois hyper colorisée et léchée (dans tous les sens du terme). La splendeur visuelle hors pair de l’ensemble s’accouple fort bien avec une histoire parsemée d’éléments machiavéliques. A savourer plus qu’à regarder !

Quant à Violator, de Jun’ichi Yamamoto, ce fut une véritable dinguerie, mais d’un tout autre style que le métrage précédent. Via un site internet, divers jeunes gens se donnent rendez-vous dans un village isolé, afin de se suicider collectivement. La protagoniste principale, quant à elle, se rend également sur les lieux pour tenter de savoir ce qui est arrivé à sa petite soeur disparue. Le réalisateur multiplie ici les séquences violentes et sanglantes, mais sur un ton totalement décalé, en alternant le malsain et la débilité assumée. Ce qui, par moments, confine au surréalisme (la séquence de fellation meurtrière commise par une femme-démon sur un jeune homme puceau). Et niveau suspense, un twist final surprendra de nombreux spectateurs.

Quel titre juste que celui du film suivant, Beaten to Death, une pelloche australienne véritablement enragée ! Au beau milieu de la campagne tasmanienne, Jack est battu sans pitié par une brute épaisse. Il parvient à tuer son agresseur, mais tombe sur le frère de ce dernier dans une des rares baraques situées aux alentours. Au rythme d’un scénario retors à souhait, la violence va dès lors continuer à s’acharner contre lui… et ce pendant tout le film ! Peu de personnes resteront indifférentes face au sort réservé à ce héros-martyr, qui ne cesse de tomber de Charybde en Scylla. Nous sommes plongés dans un « survival » véritablement trash et dérageant, bourré d’ignominies variées. Et pourtant, impossible de décrocher, tant la tension permanente nous tient en haleine.

Je ne puis malheureusement pas parler ici des trois films restants. J’ai zappé Dick Dynamite : 1944, film américain de Robbie Davidson, mettant en scène sur un ton absurde et outrancier un antihéros yankee massacreur de nazis durant la Seconde Guerre mondiale. J’ai « zappé » aussi Walking Woman de Sôichi Umezawa : ici, par contre, je fus présent dans la salle, mais une fatigue et un endormissement intense ont eu raison de mon attention disponible pour suivre la séance. Le rythme soutenu des projections – deux films le premier jour, puis quatre films par jour pour le weekend qui suivait – m’a fait décrocher de certains films. Idem, hélas, pour le film de clôture de When You Wish Upon A Star de Katsumi Sasaki, que j’aurais vraiment voulu regarder dans des conditions optimales… Mais il faut dire que ce festival contenait de nombreuses pépites, remplies de surprises et de découvertes fantastiques, toutes plus hors du commun les unes que les autres. Peu de festivals ont l’audace de déstabiliser aussi agréablement celles et ceux qui passeront par là. Réjouissons-nous donc des futures éditions de ce « Festival du Cinéma Interdit ».

Julien Cescotto

Passionné de cinéma en général et de péloches marginales en particulier, ce ciné-maniaque (davantage que cinéphile) plonge souvent dans le subconscient du 7e art pour y fouiller les recoins les plus obscurs et les contrées les plus lointaines. Il en ramène des objets filmiques totalement improbables ou peu identifiables par le commun des mortels, séries B à Z ou films d'auteurs barrés, dont il s'inspire éventuellement pour ses propres scénarios et réalisations.